Qui sont les artisans qui se cachent derrière l’Atelier de la Fédération ?

Qui sont les artisans qui se cachent derrière l’Atelier de la Fédération ?

     L’Atelier de la Fédération, situé 31 route de la Fédération, est un groupement d’artisans autour d’un atelier « bruits et poussières », fondé par le forgeron Yann Marticou. Mais qui sont ces artisans ?

Les artisans de l'Atelier de la Fédération, de gauche à droite, Jules Thiebaux, Yann Marticou, Augustin Couchoud et Victor Bois

Yann Marticou, l’âme du foyer

     Yann Marticou, surnommé « Marticlou le marteau », est fèvre, taillandier, coutelier et métallurgiste. Artisan des métaux à chaud, alchimiste et magicien, il transforme la matière brute en toute sorte d’objets, d’outils et de couteaux.

Formé entre 2018 et 2020, dans le Tarn, au Centre de formation aux métiers, transmission et tradition (CFMTT), il replace le feu du foyer au cœur d’un savoir-faire inspiré et ancestral, liant esprit de création à des valeurs profondément humaines. Un retour à la Source de la vie. Sa particularité est son attrait pour les techniques japonaises et son amour de la matière.

Dans sa précédente vie, Yann était directeur de centres de vacances ! Une belle reconversion vers l’artisanat qui témoigne d’un réel cheminement.

« Du fait de mon ancien boulot j’ai cette fibre pédagogique et de transmission de savoirs que j’ai envie de préserver dans ma pratique actuelle », confie-t-il.

Son premier atelier, il le monte à Quatzenheim, et commence à acheter et stocker du matériel, ainsi qu’affiner ses techniques par le biais de formations et d’échanges de pratiques avec d’autres professionnels de l’artisanat. Yann touche à tout et sait aussi faire un peu de céramique. Ses essais ratés trônent d’ailleurs un peu partout à l’Atelier, réemployés en cendriers ou vide-poches !

C’est en 2022, qu’il lance officiellement son auto-entreprise. « A ce moment-là j’avais déjà des vues sur la Forge de la Meinau, voyant l’opportunité d’agrandir mon atelier et surtout de le partager avec d’autres artisans, car un atelier de 300m2 pour moi tout seul c’était trop », poursuit-il. Généreux par nature, Yann ne pouvait concevoir ce projet seul : le partage et la convivialité étant au cœur de sa démarche.

Coup de poker, Yann a donc pris le local avant d’avoir des colocataires. « L’idée c’était de créer un atelier pluridisciplinaire avec différents artisans, basé sur le partage et l’échange de pratiques, dans une optique d’enrichissement perpétuel et de mutualisation, tout en liant esprit de convivialité, de fraternité et de fédération », explique-t-il.

Portrait de Yann Marticou ©Jérôme Coquelin

Dans sa pratique, Yann fait surtout des couteaux, notamment de cuisine. « Le couteau est pour moi un outil ». Il fait aussi du couteau pliant et des outils comme des gouges (ciseau de sculpture), des haches, des ciseaux, des outils de céramistes et des stèles. « Je fais aussi de la métallerie, comme des présentoirs pour des expositions » précise-t-il.

Son panel est donc assez large et Yann travaille qu’en sur-mesure. « J’apprécie le contact direct avec le client, comprendre ses besoins et ses contraintes, et y répondre à 100% » affirme le forgeron.

Yann travaille uniquement au charbon de bois, ce qui est très rare pour les forgerons, « pour répondre à un enjeu écologique, alors ça un coût mais c’est un choix totalement assumé », atteste-t-il. Le coutelier ménauvien prévoit de proposer des stages au public en individuel pour apprendre à fabriquer son propre couteau. Un projet intéressant qui répond, encore une fois, à sa volonté de transmettre.

 « L’ensemble de mes choix se basent sur le respect et la conscience de la matière », complète Yann, qui travaille uniquement des bois européens et de récupération. Ce bois sert à fabriquer les manches et les fourreaux. Il récupère aussi des chutes de cuir.

Petit retour 3000 ans en arrière : Yann est formé à fabriquer son propre acier à partir du minerai, selon les techniques ancestrales. Pour le moment, il n’a pu mettre en pratique ce savoir, car il lui faut adapter son atelier pour rendre cela possible : mise en place d’un bas foyer et d’un four spécifique. Affaire à suivre.

Son secret pas trop secret : Yann fait du Iaido et battodo, des disciplines traditionnelles japonaises du sabre, et est cuisinier officiel de l’Atelier de la Fédération.

Site : https://laforgedelarbreflamboyant.com/

Jules Thiebaux, le touche à tout hyperactif

     Jules, charpentier constructeur bois, découvre le métier à ses 21 ans, lors des portes ouvertes des Compagnons. « Je ne connaissais pas, on en a jamais trop parlé à l’école », souffle-t-il. Il a pu voyager sur le territoire français et y découvrir sa diversité. « Mais je n’avais plus de vie de famille, de copine, donc j’ai arrêté Les Compagnons ». Il poursuit son BP charpente en externe chez les Compagnons à Strasbourg. Il participe, pendant une saison, au chantier médiéval de Guédelon, situé en Bourgogne-Franche-Comté. « C’est une véritable découverte de travailler uniquement à la main avec une hache ». Il est y alors salarié animateur et se plait à suivre un rythme de travail plus chill. Période covid oblige, le chantier ferme. Jules se retrouve au chômage et décide de monter sa micro-entreprise. Il commence à faire des chantiers pour son entourage dispersé un peu partout en France. Deux ans s’écoulent, et il retourne à Strasbourg, sa patrie. Il cherche alors un atelier et rencontre Yann. « Je connaissais bien Strasbourg, et j’avais un peu de contact, et de clients en clients j’ai pu mutualiser mon réseau ici », assure-t-il.

Fidèle à lui-même, Jules travaille et passe un appel professionnel en même temps !

Jules est charpentier mais touche aussi à la couverture, à la menuiserie et à la maçonnerie. Il travaille principalement pour des particuliers grâce au bouche-à-oreille.

« En parallèle j’ai une association de musiques électroniques, d’événementiels, qui s’appelle Underground Mountain, et j’organise des festivals de musique, donc mon statut dans l’association est constructeur de décor et des structures du festival. J’ai aussi eu beaucoup de partenariats avec Immersive Element, une boîte de mapping, donc de projections pour les concerts au Molodoi, Laiterie, ou encore Studio », détaille Jules.  

Un brin hyperactif, Jules est à droite à gauche, et récupère aussi beaucoup de matériels pour les transformer. Cela permet aux clients de ne pas payer trop cher des matériaux neufs.  « Parfois, avec tout ce qu’on a, y a des pièces qui rentrent pile poil, ça s’assemble bien », dit-il fièrement.

Son secret pas trop secret : « J’aime le chocolat et la bière – qui d’ailleurs se marient bien – et il faut que je vous laisse car j’ai pleins de trucs à faire », conclut Jules.

Fabien Bertrand, le débrouillard baroudeur

     Fabien, 26 ans, charpentier, est le petit dernier de l’Atelier, associé de Jules Thiebaux, et gérant de l’entreprise LGP Charpente pour « le grand-père » officiellement, on laissera le choix aux lecteurices de lui demander la version officieuse.

Fabien rencontre Jules en 2017 chez Les Compagnons, ce dernier l’invite à la soirée du Nouvel An à l’Atelier de la Fédération, c’est une révélation pour Fabien qui s’y projette facilement. Lorrain, il se reconvertit donc en Alsacien pour s’associer à l’Atelier et créé dans la foulée sa micro-entreprise.

Formé auprès des Compagnons en charpentier bois, Fabien aime bien faire des escaliers, mais ce qu’il préfère c’est la charpente pure et dure. Il fait des terrasses, du bardage, de la couverture zinguerie et de l’isolation en sur-mesure. « Tout ce qui touche au domaine de la charpente ! On essaye d’être diversifié, parce que c’est intéressant de savoir faire plusieurs choses en même temps, et surtout parce que c’est plus pratique pour le client d’élargir notre champ d’activités. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple mais on préfère être polyvalents que de choisir la facilité », détaille-t-il.

Il suffit de voir le sourire de Fabien pour comprendre à quel point il aime son métier

Le métier de charpentier lui a permis d’avoir un cadre et une certaine autonomie, quant à 15 ans, il quitte le foyer familial et se tourne vers Les Compagnons en y devenant interne. « Je me suis rendu compte que c’était vachement mieux que de ne rien faire sur les bancs de l’école. C’est un métier de passion auquel j’ai accroché et je ne l’ai pas fait pour l’argent. Chez Les Compagnons on nous apprend à aimer ce métier avant de l’apprendre ».

Il est face à des valeurs telles que la rigueur, le travail presque acharné et accède aussi à des techniques professionnelles précieuses qui le boostent et lui donnent le goût du métier. « J’avais envie de me lever le dimanche pour continuer d’apprendre, ça m’était jamais arrivé avant ».

Après deux ans d’apprentissage, il poursuit ses études à Strasbourg, pour prendre du recul, avant de se lancer dans un tour de France. « On en a pour dix ans quand on se lance dans Les Compagnons, et il y a le revers, c’est très compliqué d’être proche de sa famille, de tomber amoureux, de faire des bêtises, faire la fête etc. C’est donc très clôt comme milieu, il y a peu de liberté de mouvement et de pensée. On a même plus de prénom, on porte le nom de notre région », explique-t-il.

Jules et Fabien sont associés et travaillent régulièrement sur des projets en commun

Il fait donc cinq ans d’études chez les Compagnons, exerce la fonction de chef d’équipe, puis se blesse à la main et est contraint d’arrêter de travailler dans le bâtiment. S’ensuit des mois de chômage, où il fait des petites choses par ci par là, dont notamment l’entretien des espaces verts, et reprend progressivement les chantiers de charpente en choisissant ce qu’il peut faire grâce à l’aide de ses amis. Finalement, il se lance dans la restauration.

« Un jour où je cuisais des burgers, Jules m’appelle et me dit de venir à l’Atelier, car y avait une place pour moi. Il s’était blessé aussi, donc il voulait que je reprenne le flambeau. J’ai tout laissé, et je l’ai rejoint. L’idée d’être associé à quelqu’un qui a de l’expérience, Jules est plus âgé que moi, et d’avoir un accompagnement de sa part, ça m’a rassuré pour me lancer ».

Fabien et Jules fonctionnent bien ensemble, ils se partagent les contacts, les chantiers et les charges de travail. Ils travaillent surtout en sur-mesure pour des particuliers. Tout roule, des gros chantiers tombent, et ils ont même pris un intérimaire pour compléter l’équipe.  

Son secret pas trop secret : il crèche dans son van qu’il a aménagé tout seul en quelques semaines seulement !

Victor Bois, le roi du réemploi

     Pour un artisan s’appeler « Bois » c’est exceptionnel. « Plein de gens pensent que c’est un nom d’emprunt », dit-il en souriant. Victor est designer et artisan, il dessine et conçoit du mobilier d’aménagement et des installations artistiques. Ça va des petits objets, art de la table, décoration, lampe en passant par la chaise, la table, jusqu’à de grandes structures artistiques installées dans la nature et l’espace public.

Originaire de Tour, Victor a suivi des études de design jusqu’en 2019, dans le centre de la France et à Reims. Après son diplôme il se lance directement en freelance. Il a travaillé pour une agence d’architecte, et pendant trois ans dans une Pépinière à Reims. Sa démarche est de fabriquer des objets et du mobilier issus de réemploi de matériaux industriels. « En gros c’est allez voir les grandes industries, souvent ça part d’un projet spécifique, par exemple j’ai besoin de matériaux tels que de la bâche, de la pierre, du verre, du plastique, et selon les besoins je vais voir quelles boîtes sont susceptibles d’avoir ce type de matériaux. On ne s’imagine pas la quantité de matériaux, de chutes, qui sont jetées ».

Victor est arrivé en octobre 2023 à Strasbourg, et cherchait un atelier. « J’ai une pote qui bossait au CRIC qui m’a envoyé l’annonce, j’ai appelé Yann, j’ai visité l’atelier et j’ai tout de suite engagé les démarches pour déménager ».

Victor passe de l'atelier à son ordinateur, du concept à la réalisation il est sur tous les fronts

Victor travaille sur commande, pour des particuliers, et ce sont surtout des projets de menuiserie, claustra, placards. Cependant, son appétence est la conception, « faire des dressings et des placards, c’est moins intéressant ». Il espère pouvoir répondre plus à des commandes, où y a des processus de design, avec une direction artistique spécifique, pour des salles de spectacles, des centres culturels.

Il est toujours partagé entre Strasbourg et Reims, avec des projets variés. « Je fais encore le grand écart, mais y a quand même un ancrage local important ». Le design rejoint fortement la création artistique, où tu es catapulté dans un endroit pendant plusieurs semaines autour d’un matériau spécifique.

Ainsi, il démarche beaucoup d’associations et d’entreprises pour trouver des projets à concevoir.

« Je suis très transversal dans les approches et dans les manières de faire, ça rejoint l’architecture, l’art, l’artisanat, le design, ça peut être très protéiformes, ce côté polyvalent c’est ce que je recherche »

Victor a aussi une boîte de mobilier avec des amis, qui s’appelle « Studio surplus », spécialisée en réemploi de matériaux à échelle industrielle. « L’objectif est d’inciter les boîtes à retravailler leurs propres chutes. Cela permet de massifier le réemploi et de le rendre plus accessible en termes de prix ».

Comment réduire les déchets en faisant du mobilier avec des déchets. « Aujourd’hui, il faut savoir penser à la réutilisation ».

Son secret pas trop secret : Il est DJ à ses heures perdues.

Site : https://victorbois.com/

Augustin Couchoud, écoresponsable et « vélo addict »

     Augustin, 36 ans, est ingénieur charpentier spécialisé en écomobilité. Il a fait des études d’Ingénieur en Mécaniques, made in Belgique et Irlande. C’est un grand voyageur dans l’âme. Il a commencé à faire ses armes en aéronautique, puis s’est tourné vers les énergies renouvelables. En Irlande, il a découvert les hydroliennes, puis arrivé à Strasbourg, il y a maintenant 8 ans, il s’est penché sur les mobilités douces et notamment la trottinette.

Il a fait un tour d’Europe à vélo pendant un an, avec sa compagne. A son retour, il passe sa qualification de charpentier pour travailler dans le bâtiment. Il travaille dans ce secteur pendant presque deux ans.

« Avec des ami.e.s on a monté une association de crêperie, la Billiguette. En breton, la billig, c’est la plaque circulaire en fonte pour faire des crêpes. Je me suis amusé à fabriquer la remorque à vélo, dans la cave, c’est comme ça qu’est née la crêperie ambulante », raconte-t-il.

C’est une révélation pour Augustin, « je me suis dis que c’était ça mon prochain métier ». Il créer donc son statut pour faire de la création de vélo et de la charpente en même temps. Il porte fièrement cette double casquette.

Augustin, la tête dans ses prototypes, toujours en train de créer et concevoir de nouvelles idées de remorques !

Augustin est l’avant dernier arrivé à l’Atelier de la Fédération, fin janvier 2024. Il était à la Semencerie avant, mais il n’y avait pas de nouvelle place pour les résidents permanents. Augustin cherchait un lieu pour s’y installer sur du long terme. C’est justement une amie du CRIC qui lui donne l’information et lui donne le contact de Yann.

Aujourd’hui, Augustin se concentre à proposer des solutions pour vider les centres-villes des voitures, et prôner l’écomobilité. Il dessine des prototypes de vélo-remorques destinés aux professionnels : « mon idée se serait la conversion des métiers de ville ou d’ailleurs au vélo. Ça peut être des restaurateurs, boulangers, taxis, des sound system sur roues etc. Il y a plein de choses à inventer », s’enthousiasme-t-il !

Augustin a déjà travaillé avec l’association Sikle en concevant quelques pièces, accessoires et outillages pour leurs remorques. « J’ai constaté que certains clients ont besoin de sur-mesure en outillage pour le vélo dédié à une activité particulière ».

C'est Augustin qui a construit pour et avec ses ami.e.s la fameuse "Billiguette", une crêperie itinérante ©Augustin Couchoud

A Strasbourg, l’offre est ouverte, et on voit déjà pas mal de commerçants ambulants à vélo, comme Barbara, glacière à vélo, Didier qui a son café sur roue, il y a aussi un barbier coiffeur ambulant, un taxi-vélo, qui est pour l’instant tout seul. « On a un groupe WhatsApp des artisans à vélo », précise Augustin, on remarque que la partie pro du vélo n’est finalement pas encore tant développée que ça à Strasbourg, il y a beaucoup d’usagers vélo, mais le potentiel reste immense », poursuit-il.

Augustin a conçu 5 stands vélo-cargo de participation citoyenne pour la Ville de Strasbourg : la Particyclette. Il travaille actuellement sur plusieurs autres projets : un vélo-cuisine pédagogique commandé par le CINE Bussière (Centre d’Initiation à la Nature et à l’Environnement) qui sera disponible d’ici fin octobre 2025, un triporteur pour l’association Balade, un vélo-car ou « carbike », vélo à quatre roues et couvert, pour l’Agence du climat ou encore un prototype de vélo DJ pour des déambulations sonores dans les rues de la Ville de Strasbourg !

Dernièrement, Augustin a fabriqué cinq vélos "Particyclette" pour la Ville de Strasbourg

Son secret pas très secret : au-delà du fait qu’il est breton, il s’est remis à jouer aux échecs il y a très peu de temps.

Site : https://papalotec.fr/

     L’Atelier de la Fédération est un lieu ouvert et accessible, donc n’hésitez pas à les contacter pour leur rendre visite et découvrir par vous-mêmes un lieu atypique qui regroupe des artisans talentueux, passionnés et accueillants !

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