Acteurs du quartier de la Meinau : rencontre avec Mohamed Ajrhourh dit "Paco"
Mohamed Ajrhourh est une figure centrale du quartier de la Meinau, et du Neuhof. Connu comme le loup blanc, il ne fait pas trois pas dans le quartier sans être interpellé, klaxonné, salué. Rencontre avec celui que tout le monde connaît sous le nom de « Paco ».
Paco, éducateur depuis 30 ans
« Il était une fois Paco qui était jeune »
Enfant du Neuhof, Paco s’intéresse très tôt à la vie associative de son quartier. Il participe à des réunions avec des éducateurs et des animateurs sur les problématiques d’une jeunesse en difficulté.
Le jeune Mohamed fait partie d’un groupe de musique et joue du guembri ou hajhouj, un instrument de musique à cordes pincées, comme le chanteur d’un célèbre groupe marocain Nass El Ghiwane, qui s’appelle Paco et qui est originaire d’Essaouira au Marco. C’est alors que tout le monde donne le surnom de « Paco » à Mohamed. Un surnom dont il ne séparera plus jamais !
Un jour, la femme d’un pasteur lui demande de faire du soutien scolaire au Centre socioculturel du Neuhof. « J’ai tout de suite dit oui », affirme Paco. C’est comme ça qu’il rencontre Marc Moser, éducateur, qui perçoit en lui un potentiel. La Jeep Neuhof lui propose alors un contrat de jeune volontaire, qu’il effectuera à la Maison de l’enfance à Hautepierre.
De fil en aiguille, ces expériences lui permettent de décrocher un CDI à l’ATMF (Association des Travailleurs Maghrébins de France) située quartier gare à Strasbourg. Il y restera sept ans, de 1985 à 1992. Là-bas, il fait diverses missions : du secrétariat, à l’animation de réunions, en passant par l’organisation d’opérations telles que « Eté jeunes » ou « Eté chaud ». Paco emmène aussi des groupes de jeunes en camps.
« A un moment donné je me suis sentie un peu vide et je me suis dit qu’il était temps de faire un bilan de compétences », confie Paco.
C’est alors qu’il décide de se former dans l’animation. Il s’inscrit à un BPJEPS option « Animation de projets de quartier », qu’il effectue à Mulhouse.
« Avec l’APAM j’ai découvert une autre pratique de travail : la prévention spécialisée »
Il intègre ensuite l’APAM, l’Association de prévention spécialisée et d’action sociale à la Meinau.
Paco commence à travailler au sein d’une équipe multidisciplinaire composée d’une psychologue, d’un instituteur et d’éducateurs. Il organise des séjours éducatifs, des repas de rue, des projets de coopération et de solidarité à l’étranger, des actions pour lutter contre les discriminations et pour l’égalité des droits.
« J’ai découvert une autre pratique de travail : la prévention spécialisée », révèle Paco.
C’est là qu’il a le déclic et souhaite devenir éducateur spécialisé. Il fait une formation en validation d’acquis (VAE) à l’Ecole supérieure en travail éducatif et social (ESTES) et se spécialise dans l’accompagnement des jeunes, les techniques d’entretien et le soutien à l’insertion sociale et professionnelle.
« Dans la prévention, le travail c’est le long terme. Avec 30 ans d’expérience, au bout du compte, je vois des résultats. C’est le public qui m’évalue », soutient Paco.
Il insiste sur le fait qu’il n’a jamais « voulu vendre du rêve aux jeunes », au contraire, le rôle d’un éducateur est d’être le plus juste possible, et surtout de travailler avec toute une équipe et les partenaires afin de trouver comment résoudre les situations les plus compliquées.
Par la suite la JEEP a absorbé l’APAM. Paco s’est donc retrouvé à travailler à nouveau pour la JEEP, son premier amour.
« J’ai commencé l’initiation dans le travail social avec la JEEP et je termine avec la JEEP ! », dit-il en riant.
« Spécialisé en tout, spécialisé en rien »
Il le rappelle, « un éducateur n’est pas un super-héros », et souvent son métier va au-delà des frontières professionnelles.
Parfois, lorsqu’il sort, qu’il est en repos, Paco marche dans les rues du quartier, au contact de la jeunesse, et prend ce qu’il appelle « la météo chez les jeunes », et « en ce moment, la météo sociale est très mauvaise », constate-t-il.
Souvent, quand les gens lui demandent en quoi il est spécialisé, Paco répond « Spécialisé en tout, spécialisé en rien ». Pour lui, le social c’est avant tout l’humain, nouer des liens et faire preuve d’empathie. C’est aller vers l’autre et essayer de le comprendre sans le juger.