Carton plein pour le spectacle « Queen Blood » d’Ousmane Sy à POLE SUD

Carton plein pour le spectacle « Queen Blood » d’Ousmane Sy à POLE SUD

Carton plein pour le spectacle « Queen Blood » d’Ousmane Sy à POLE-SUD

Journal de bord du spectacle « Queen Blood », représenté du 12 au 13 décembre à POLE-SUD. C’est un ballet house du chorégraphe Ousmane Sy, interprété par sept danseuses de la compagnie de danse « Paradox-sal ».

Trois danseuses sur scène lors de la représentation du spectacle Queen Blood, chorégraphié par Ousmane Sy
Trois danseuses en pleine représentation du spectacle "Queen Blood". © POLE-SUD

Queen Blood, pas à pas

Quand on entre dans la salle, six danseuses sont déjà en train de prendre possession de la scène, des mouvements rythmés sur des percussions afro. Derrière elles, un fond noir. La scène est blanche. Contraste. Ces danseuses sont tout de noir vêtu, sauf leurs chaussettes, qui sont d’un blanc immaculé. Elles poursuivent leurs gesticulations, s’échauffant en attendant que la salle se remplisse. Les groupes arrivent progressivement, les sièges sont assiégés par vagues. Tout le monde est déjà absorbé par ce qu’il se passe sur scène alors que le spectacle n’a pas encore commencé.
La salle est pleine, le son s’arrête, les lumières s’éteignent. Les spectateur.trice.s applaudissent. Puis, silence, le spectacle commence. Lumière.

Fond noir

Sur un des côtés de la scène, les danseuses s’échauffent, elles sont prêtes à s’élancer. La musique suit un beat très saccadé. Les danseuses s’alignent au fond, face spectateurs. C’est très militaire. J’ai envie de dire : « Que le combat commence » !

Une première danseuse entre sur scène, alterne mouvements lents et robotiques, puis se contorsionne. Au compte-goutte, progressivement, les autres la rejoignent. Les voilà, toutes en scène. Elles marchent, se tournent autour, se baissent, puis sautent. Il y a comme une opposition, puis une fusion, de l’individuel au collectif et vice-et-versa. Un fil invisible est à l’œuvre, un fil qui les relie, entre elles et avec nous, public.

Des jeux de lumière, dans un clair-obscur, subliment leurs silhouettes. Les mouvements sont tantôt accélérés, tantôt ralentis. Parfois, elles tanguent, doucement, de droite à gauche. Comme le temps, un mouvement de vie qui fait écho à la nôtre, avec des passages à vides, et d’autres à mille à l’heure qui nous font s’écrouler.

Quand la lumière jaillit, les danseuses, l’une après l’autre, tantôt seule, tantôt ensemble, performent. Chacune a sa place, son style, son identité propre. Les percussions sont endiablées, les visages des filles sourient. Elles représentent toutes les femmes, seules et ensemble, dans un combat, dans une quête, une transe du quotidien.

Fond rouge

Les danseuses évoluent comme des ombres chinoises sur fond rouge.

Le fond de la scène devient rouge.

Les danseuses sont à contre-jour, comme des marionnettes, ou des ombres chinoises. Chaque trait de leurs corps, chaque mouvement, chaque courbe, sont soulignés.


Musique house afro, on entend du créole – « Gommer la femme » – . Il y a toujours cette idée de dualité, d’opposition et d’unicité, de scission et de fusion. Le rythme est très entraînant, c’est dur de résister à la tentation de danser avec elles. C’est passionnel, comme le rouge.

Fond noir-gris

Le fond s’assombrit, devient noir/gris.

Les voilà alignées, devant la scène, face au public. L’air grave, on entend leurs essoufflements. Des notes de piano, le début de Four Women de Nina Simone. Les danseuses se touchent la tête, les cheveux, s’essuient les yeux, se prennent leur bras. Elles soufflent, semblent souffrir, reprennent des forces. Puis, soudain, chacune à leur tour, elles expriment avec leurs corps toute la puissance de ce texte de Nina Simone : 

« My skyn is black, yellow, tan, brown » – « What do they call me ? ».

La chanson est finie. Puis, un grésillement retentit. On entend plus que le bruit de leurs pas sur le sol. Elles trépignent, tapent, sautent, puis marchent, en silence, faisant grincer leurs chaussures. Il n’y a plus de musique pour accompagner leur mouvement, ce sont leurs corps qui marquent la rythmique, leurs pieds qui tapent le sol. Comme si elles jouaient des claquettes, sans claquettes.

Fond jaune

Le mur du fond devient jaune.

Les danseuses se placent, se déplacent, courent, marchent. Plus rien n’a de sens, mais tout prend sens. Elles s’agitent, s’alignent, se désalignent, se placent, se déplacent, se regroupent, se dessoudent. À nouveau face à nous, en rang. La musique reprend : house afro beats. Les têtes bougent, les corps reprennent leur mouvement, enfin. On entend des chants d’oiseaux.

Liberté ?

Solidarité, sororité, différence, unicité, colère, joie, tristesse, force.

C’est bientôt la fin : la libération d’avoir tout exprimé. Les lumières s’éteignent. La salle est plongée dans le noir.

Le noir n’est-il pas l’addition de toutes les couleurs ?

Les applaudissements retentissent, c’est une ovation. La scène se rallument. Fond jaune. Musique : Nina Simone Here comes the sun, les danseuses alignées offrent leurs derniers mouvements. La salle est heureuse, euphorique, on distingue de nombreux sourires, et quelques larmes timides.

Rencontre avec la « crew-pagnie » Paradox Sal

Paradoxal Sal c’est plus qu’une compagnie de danseuses, c’est un crew, une équipe, une famille.

La compagnie fut créée en 2012 par Ousmane Sy, dit « Baba ». Son idée : regrouper des femmes d’univers différents et créer un groupe soudé. Spécialisé en afro-house et culture hip-hop, Ousmane Sy avait cœur à regrouper, dans le langage commun qu’est la house, une diversité de parcours de femmes. C’est lui qui inventa le mot-valise « crew-pagnie ».

« Le langage commun de Paradox Sal c’est la house, mais on a chacune nos backgrounds, styles de danse, culture et inspirations. Il nous a choisi justement parce qu’on avait des personnalités différentes. Il voulait faire un groupe de femmes ambassadrices de house, confie Anaïs. Baba avait une phrase, qu’il répétait souvent, comme un slogan : « Les individualités au service d’une entité ». L’individuel est au service du groupe. On met du soi, et tout ce qu’on vit au service du groupe », poursuit-elle.

Sur scène, cela se ressent. Des gestes et des mouvements chorégraphiques émanent des sentiments, des histoires, des parcours.

« On porte un bagage sur scène qu’on offre au public », affirme Nadeeya.

« Le rapport qu’on a entre nous sur le plateau c’est le miroir de ce qu’on est dans la vie. Chacune de nos forces font la force du groupe. On est ensemble sur le plateau, comme on est ensemble dans la vie », complète Valentina.

Initialement, « Queen Blood » est traduit du bambara (malien) et signifie, au sens littéral, « sang de noble ». Mais pas au sens de richesse, plutôt au sens de dignité.

« C’est un mindset. Tu souffres, tu galères, tu es fatigué mais tu gardes la tête haute et tu vas jusqu’au bout. Sur scène c’est juste de l’honnêteté sur la vie de tous les jours », précise Anaïs.

Voilà pourquoi Queen Blood est un spectacle qui est au-delà de la simple performance.

« C’est un voyage entre des difficultés que les femmes vivent. On aimerait rendre hommage aux femmes fortes, qui subissent, mais relèvent toujours la tête en restant dignes face aux épreuves de la vie », conclut Valentina. 

Portée auprès des jeunes

Sur les deux jours, du 12 au 13 décembre 2022, plusieurs représentations du spectacle « Queen Blood » ont eu lieu à POLE-SUD. Ce sont notamment les publics jeunes, dont certains en décrochage scolaire, qui ont pu assister au spectacle.

Les lycéens du lycée René Cassin

Sur le vif, à la sortie du spectacle, je rencontre deux professeurs et leurs élèves du lycée René Cassin, qui sont présents dans le cadre d’un parcours d’éducation artistique et culturelle sur les différentes manières de s’exprimer. C’est à chaud, que je récolte leur parole.

Tous.tes avaient les visages ouverts et souriants. Voici ce que ces jeunes de 15 ans ont pensé du spectacle :

« On pouvait voir les efforts qu’elles ont mis dans le spectacle, les émotions et leur ardeur dans les mouvements. On ressentait qu’elles y mettaient tout leur cœur », réagit Aminat en premier.

Marie-Claire, a hâte de parler, levant la main avec insistance :

« J’ai eu envie de danser avec elles. Ça se voyait qu’il y a un lien entre elles. Le mélange de tous les styles de danse était incroyable : afro, hip-hop, contemporaine. Elles parlaient de toutes sortes de choses à travers leurs corps ».

Puis, c’est au tour de Daiana de partager son ressenti :

« On sentait un lien fort entre les danseuses, ce n’était pas simplement de mouvements, mais accompagnés de sentiments, on ressentait ce qu’elles voulaient nous partager. C’était beau à voir »

Enfin, Sacha, le seul garçon à prendre la parole, offre à son tour son point de vue :

« Il y avait beaucoup de messages cachés derrière les musiques et les mouvements faits. On s’est senti concerné par leur danse ».

Globalement, ces jeunes ont surtout ressenti « Queen Blood », ce spectacle les a touché, leur a parlé d’une manière ou d’une autre, par rapport à leur propre sensibilité.

Paroles de jeunes de la Meinau accompagnés par l’association Jeep-Meinau et le CSC Meinau

Sept jeunes volontaires, âgés entre 14 et 18 ans, sont allés voir « Queen Blood » avec l’association Jeep-Meinau et le Centre socioculturel de la Meinau.

Pour déclencher la prise de parole, Margot, éducatrice à la Jeep-Meinau, a créé des cartes avec différentes émotions et sentiments, qui ont été proposées aux jeunes. Chacun piochait celle qui leur correspondait le plus et faire leur retour sur l’expérience vécue lors de ce spectacle.

Il y avait également des cartes Joker pour les jeunes qui souhaitaient partir de leur propre mot.

Tous.tes ont souhaité rester anonymes.

Les cartes Dixit ont permis aux jeunes de la Meinau de pouvoir exprimer leur ressenti sur le spectacle "Queen Blood"
Pour récolter la parole des jeunes, Margot, éducatrice à la Jeep Meinau, a pris exemple sur ce type de cartes. Ce qui a permis aux jeunes de la Meinau de pouvoir exprimer leurs émotions après avoir assisté au spectacle "Queen Blood"

Carte Captivant, carte Entrainant : « J’ai bien aimé le spectacle. J’ai choisi la carte captivant car il [le chorégraphe] savait comment te garder réveillé. Et la carte entrainant car j’avais envie de danser avec elles. Ce spectacle montrait comment on peut sortir d’une situation avec force. C’est la représentation des femmes fortes », jeune de 18 ans.

Carte Impressionnant « Les danses étaient impressionnantes, les femmes étaient souples, il y avait des figures bizarres. Les lumières étaient stylées avec le fond, le fondu. J’ai bien aimé avec le fond rouge ça m’a fait penser à la savane et au coucher de soleil », jeune de 16 ans.

Carte Joker « C’était riche. Elles ont dansé sur plusieurs musiques différentes, en étant synchronisées. Le style de danse était spécial. Les mouvements étaient répétés et enchainés d’une belle façon. Le jeu de lumière correspondait avec les mouvements. J’ai bien aimé les silhouettes avec l’ombre, ça faisait un beau jeu », jeune de 14 ans.

Carte Abstrait « Je n’avais pas l’impression qu’il y avait une thématique mais c’était tout de même captivant », jeune de 17 ans.

Dans tous les cas, les jeunes ont apprécié ce moment de découverte d’un spectacle à Pôle-Sud. Ils ont fait de très bons retours et semblaient impressionnés par la mise en scène.


L’idée est de poursuivre ces sorties spectacles, choisis par les jeunes, dans les différentes salles de Strasbourg avec comme objectif de créer un carnet de voyage de ces différentes sorties, annonce Margot de la Jeep-Meinau.

Affaire à suivre donc !

En attendant, mardi 13 février prochain une matinée scolaire « Queen Blood » sera organisée en présence de groupes de collégiens, lycéens et de jeunes décrocheurs scolaires et mineurs non accompagnés.

Margot de la Jeep-Meinau & Eva Wernert

One thought on “Carton plein pour le spectacle « Queen Blood » d’Ousmane Sy à POLE SUD

  1. Whouah ! Whouah ! Whouah ! Plus que le spectacle dont je n’oublierai plus le titre ni le nom du chorégraphe grâce à cet article, c’est la plume de l’auteur qui a partagé avec ses mots cet événement, qui m’a tenu en haleine !

    C’est une plume à en couper le souffle… C’est comme si j’y étais !

    Merci très chère Éva pour ce si beau partage

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