Merci Hervé !
Hervé Cellier, l’un de nos bénévoles, nous a quittés le 25 novembre 2022. Débordant de projets, il avait récemment participé activement à notre média de quartier MNO.
Le souhait d’Hervé : transmettre aux bénévoles et à nos publics, notamment aux jeunes, sa connaissance de la prise de son. C’est particulièrement sur moi qu’il avait jeté son dévolu : « Tu vas apprendre la prise de son et le montage ». Ni une ni deux, il arriva au Centre socioculturel de la Meinau avec quatre livres sur le sujet ! « Ce livre-là tu peux le garder, mais celui-là je te le prête, je veux le passer à quelqu’un… tiens, d’ailleurs il faut que je te le présente, il est passionnant ! Et puis ce bouquin, c’est marrant parce qu’à la page 236 il y a un paragraphe qu’on retrouve à la page 28 de l’édition de… ». Une fois lancé, on ne l’arrêtait plus. Hervé, c’était ça, un passionné, une encyclopédie qui vivait de partager son émerveillement.
Oui, Hervé c’était un personnage rempli de belles intentions qui débarquait sans prévenir, avec son lot d’ouvrages, d’anecdotes incroyables et du matériel audio dont il savait seul se servir ! Un jour, lors du tournage de notre court-métrage, il est venu nous apporter un studio de prise de son portable, avec pied, micro et cabine en mousse.
Hervé le bon tuyau ! Il avait toujours des bons plans pour acheter du matériel pas cher, mais de qualité, un carnet d’adresse bien fourni parce qu’il connaissait toujours LA bonne personne.
Mais qui était Hervé ?
Un parigot du 15ème, très éclectique ! C’est dans les années 70 qu’il arriva à Strasbourg pour faire une licence de Musicologie. Étudiant impliqué dans des groupes politiques, anarchiste sur les bords, passionné par les autres et la musique, Hervé s’intéressait à tout ce qui pouvait être produit par l’humain. « L’une des personnes les plus humanistes que je connaissais », confie son ami Éric.
C’est en 1998 qu’il s’installe, avec sa compagne Charlotte, à la Meinau, à côté du Parc Schulmeister. Un endroit qu’Hervé apprécie par la diversité de sa faune et de sa flore. D’ailleurs, son grand projet avec notre média de quartier était de produire une bande sonore du parc au fil des quatre saisons, du petit matin jusqu’au soir. Il voulait me faire lever à 4h ! C’est lui qui m’a appris lors d’un pique-nique cet été, que les arbres avaient un pouls !
Musique, mallette et… blanquette !
Mais quand on parle d’Hervé, on pense surtout à la musique !
Passion, profession, vocation. L’étude de la musicologie et la transmission de ses savoirs auront été de véritables fils rouges de son existence. Car bien avant de devenir l’enseignant qui apprenait aux étudiants en théâtre, multimédia ou ethnologie l’importance de capturer les sons et de savoir leur faire dire des choses, Hervé, qui jouait de la contrebasse, écumait les clubs et bars de jazz de la scène locale strasbourgeoise avec les copains ! Le Chariot, qui était son Q.G, est d’ailleurs toujours empreint d’Hervé.
Il marqua aussi le Théâtre National de Strasbourg où il travailla comme responsable de l’enseignement de la musique et du son jusqu’au début des années 1990.
Au-delà de la musique, Hervé est aussi passionné d’enseignement.
À l’université, au TNS, mais aussi dans de nombreuses structures associatives et écoles, il partage sans relâche ses connaissances de musicologie, de philosophie, de techniques du son les plus arides, qu’il sait rendre vivantes et joyeuses. Des années durant, il transmettra cette science du son, cet art de faire parler la musique, de mettre des mots en notes. Et puis plus récemment, il aura découvert avec émerveillement l’enseignement aux plus petits. Comme à l’école maternelle de Rhinau, où Hervé montrera aux enfants pleins de curiosités : comment on « bruite » un film ou une animation, dévoilant à ces tout jeunes esprits les secrets des sons réalisés par quelques astuces, sans recourir aux ordinateurs et synthétiseurs.
C’est sa fameuse « mallette à son ». Intervenant pour Le Récit, c’est à une journée de rencontres « Passeurs d’Images », que j’ai rencontré Hervé, derrière cette surprenante mallette. Quand il présenta ces outils, et dit le mot mallette, je compris blanquette et le dis à haute voix. Silence dans la salle. Il me regarda et me dit : « Mademoiselle, vous avez encore faim ? ». Il était 14h, on sortait de table. Je ne savais pas ce que la blanquette signifiait alors pour Hervé : un de ses plats préférés. C’est bien la mallette, ou plutôt la blanquette, qui nous à, ce jour, liés.
« Je suis jeune, mais depuis plus longtemps que les autres »
La pédagogie d’Hervé fait mouche, grâce à sa capacité à rendre accessible des savoirs complexes. Hervé donne envie d’apprendre, envie de lire, de se cultiver. Fier de sa bibliothèque dont il a lu chaque livre, il transmet des fiches de lecture et en ouvre les volumes à qui est gagné par sa passion de la découverte. C’est la curiosité qui le nourrit, le garde jeune : « Je suis jeune, mais depuis plus longtemps que les autres, voilà ! », disait-il avec un air malicieux.
Homme d’esprit, de musique, de culture, Hervé est aussi homme de convivialité et de plaisirs simples.
« Quand on s’appelle Cellier, on est bien obligé d’aimer les bonnes bouteilles (mais j’suis pas cave pour autant) ! ».
Parmi ses bonheurs, l’un des plus simples et en même temps des plus essentiels, c’est de pouvoir compter de nombreux convives à la maison ou bien au camping du Hohwald, dans la « caravane d’amis ». Et loin d’être intimidé par le nombre de convives, c’est avec plaisir que ce cordon-bleu passait derrière les fourneaux pour vous ravir de sa cuisine avant de s’installer pour vous ravir de ses histoires et traits d’esprits, toujours vifs et astucieux, avec sa répartie spirituelle. Une bonne tablée avec la famille et les amis, de longues randonnées dans les Vosges, le Cantal ou les Pyrénées, la cueillette des champignons, ou bien tout simplement le bonheur de se réveiller pour découvrir que la neige a recouvert doucement les paysages d’un manteau blanc. En voyant la neige, je ne peux que penser à Hervé.
La tête pleine de projets, le cœur plein de passions
Hervé rassemblait autour de lui, des personnes différentes et toutes uniques. Aux réunions du média de quartier, il ramenait toujours deux ou trois amis, qui ne savaient pas vraiment ce qu’ils faisaient là… en arrivant. Mais en partant tous avaient envie de construire ensemble.
Farceur, taquin, malin, il se servait de son esprit et de sa répartie pour faire rire !
« Faut cultiver notre jardin car nous sommes devenus des potes âgés », suggérait-il a à ces vieux amis.
Hervé, c’était un gymnaste de la pensée, roi des blagues et des jeux de mots ! L’optimisme était un choix, une décision délibérée ! Quoi qu’il arrive : une grosse opération, c’était déjà un problème en moins.
La tête pleine de projets, le cœur plein de passions, Hervé, même à bout de souffle, continuait de faire que la musique et la connaissance soient des instruments de partage et d’éveil. Avec les étudiants de l’Université de Strasbourg, les participants des ateliers musicaux de la prison de l’Elsau, les enfants de l’école de Rhinau, ou au Centre socioculturel de la Meinau… ni la retraite, ni le temps qui passe, ni même sa propre santé ne pouvaient altérer son appétit d’apprendre, de transmettre, de partager : de vivre tout simplement.
– Comment est votre blanquette ?
– Elle est bonne !
Hervé en a marqué des esprits, et je pense que tous ceux qui ont croisé sa route lui disent : Merci.
Texte hommage rédigé avec l’aide de Charlotte, sa compagne, et Eric, son ami
Merci Hervé d’avoir été qui tu as été.
Pour moi, tu es celui qui aimait entendre les arbres parler et nous parler. Jusqu’au dernier instant de ta vie, tu aimais transmettre avec passion et générosité tout ce que tu savais. Paix à ta belle âme, cher Hervé. La musicalité de ton être va nous manquer.
Merci Eva (et Eric) pour ce bel hommage à Hervé ! ❤
Les larmes en dessous de zéro en écoutant d’la musique merci merci merci et grâce à toi j’imagine ce camping du Hohwald et la mallette blanquette – et je le sentirai toujours présent au chariot !
Tres émouvant et très juste
Merci pour votre témoignage à vous 3
Quel bel hommage je regrette de n’avoir pas connu plus cet Hervé dont tu a décrit l’humanité la joie et la passion , celle du son et des oiseaux que je partageais avec lui sans le savoir…